A l'exposition d'Alexis Hanzen
(Театр и Жизнь / 1929)
Nous nous sommes rencontres avec Hanzen dans les confortfables salles d'exposition de la galerie Georges Petit.
- Ainsi, vous voila de nouveau a Paris ?
- Commez vous voyez, pour ma deuxieme exposition de tableaux, quinze ans арres la premiere.
- Est-ce possible, que depuis votre premiere exposition chez Chaine et Simonson, quinze annees se soient ecoulees ?
- Elles se sont plus tot envolees en tempete, pleines , des terribles epreuves du temps de guerre et de la revolution en Russie. En regardant attentivement cette robuste silhouette de ce peintre de marines ressemblant plutot a un vrai loup de mer, sorti d'un des romans de Jacques London avec ses temps deja grisonantes je pensais: «Dans cette tete blanchie luisent des yeux de seize ans ».
- Cependant a cause du grand succes artistique de votre exposition, cher Alexei Vasilievitch, la redaction du « Theatre et la Vie » m'a charge de vous interviewer ce qu'on veut dire « De tous cotes ».
- A votre service.
Et ayant choisi un coin tranquille nous entamons une causerie amicale.
- Comme vous savez, commenca Hanzen, mes etudes terminees a 1'universite d'Odessa, je nе pus surmonter ma vocation de peintre et abondonnant resolument la jurisprudence je partis en 1901 a Munich, puis a Berlin, travailler avec acharnement a I'Academie des Beaux Arts, sous la direction des renommes professeurs Karl Zalz-mann et Paul Meyerheim.
Apres quoi le celebre peintre Eugene Bracht m'emmena avec lui a Dresde en qualite d'eleve –modele, ou je fis de la peinture, de l'eau forte et de la gravure et meme de la «technologie de I'art ». J'ai termine mes etudes aux ecoles des Beaux Arts de Berlin et de Dresde, l'un des premiers. Cependant ma sante fut atteinte par le surmenage et mes parents insisterent pour mon depart a Davos et il se passa deux ans avant que les medecins me permirent de me remettre au travail.
- Je partis a Paris et la dans le centre, mondial des arts j'etudiais avec enthousiasme sous la direction des «maitres» de ce temps: Robert Fleury et Jules Lefebre.
L'agitation multicolore de Paris m'englouti completement et je ne remarquai ргesque pas comment passerent onze ans pendant la duree des queles se terminait la formation de mon slyle de «mariniste» et apparut mor individualite artistique.
A Paris j'exposait mes tableaux pendant cinq annees consequitives au Salon Francais ou ils ne passerent pas inapercus, car mes tableaux s'achetaient volontiers, et l'une d'elles remarquees par la critique artistique «Avant l'orage» etait ne quise par le Gouvernement francais.
Je fus gratifie d’une “Mention honorable” et decore.
Etant le membre actif de «L'Association Internationale d'Aquurellistes» et «L'Association de la Gravure Pure» je frequentai des personnalites des centres, artistiques de l'epoque.
Enfin, le feu-Empereur Nicolas II m'invita a St. Petersbourg dans la qualite du peintre attache aux Ministere de Marine, ou avant moi travaillerent Bogoluboff, Tkatchenko, Gritsenko.
En Russie je continuais de travailler jusqu'a la revolution notamment dans les maisons d'edition : Golike, Sitine et «Novoe Vriemia» ou parut la celebre monoigrafie artistique «L'Histoire de la flote Imperiale russe» avec les reproductions de quarantehuit de mes dessins executes apres les recherches minutieuses dans les archives de la flote et de sejour dans les grands ports de guerre russes. La revolution me trouva a Petersbourg. Sous l'impression du flot de nos souvenirs, nous nous taisames un instant. Ayant fui de la Crimee, et en qualite du petit-fils du grand maitre de «marinistes russes» I. K. Aivasovsky, j'essayais de sauver le tresor artistique du musee de Theodocie, ou se trouverent 57 de ses plus celebres toiles, mais ils furent otes de leurs chassis et expedies a Simferopol, ou je crois qu'ils se perdirent. Aussi personne ne sait ce que devint ma collection personnelle d'Odessa ou se trouvaient jusqu'a quatre cents tableaux et entre eux des toiles uniques des maitres de la Renaissance.
Apres cela la debacle et le chemin do Croix ordinaires d'un emigrant sans ressource : Odessa, Constantinople, Salonique et enfin le royaume Yougoslave.
Apres les erreurs de la guerre civile et de I'evacuation il me semblait que je ne reprendrai jamais la palette, mais «l'art est plus fort que la mort», et encore sur le bateau j'ai pris le pinceau pour faire quelques etudes qui furent vendus aux Anglais et le produit des quelles deux cents livres anglaises a peu pres allerent a la cantine generale.
En Yougoslavie je comrnencais par prendre domicile a Zagreb ou travaillant avec energie, j'organisais une exposition particuliere.
L'exposition eue du succes, et tous les tableaux etant vendus j'ai eu la possibilite d'acquerir une petite villa a Ragouze et me consacrer uniquement a la peinture.
Mes expositions suivantes a Belgrad, Prague et Bucarest ont attires une grande attention et eurent une bonne presse. A Belgrade le roi Alexandre de Yougoslavie acheta neuf de mes oeuvres et plusieurs toiles furent acquises a Bucarest par sa majeste le feu Roi de Roumanie.
Ainsi que la reine d'Italie Helene acheta plusieurs de mes tableaux et etudes а l’ехposition de Rome.
La notorite dans les terres Slaves me donna la possibilite de visiter d'Amerique du Sud.
Mes expositions a Buenos-Aires et Rio-de-Janeiro furent des succes pour moi et pour les russes.
Mais le monde est petit et voila par la volorite des destins je suis a Paris et heuerux que les peintres et la peinture russe ne se sont pas perdus dans cette immense ville-lumiere, mais se sont conquis une stable position une d'epreuves de laquelle est l'attention que le public et la severe critique francaise ont octroyes a mon exposition.
Hanzen a termine ainsi:"La peinture russe comme toute autre a vecu un temps de douloureuses recherches: le realisme, l'impressionisme. le pointelisme, le cubisme etc”.
Mais j'ai le sentiment que tout ceci est deja surmonte et notre art national s'ap-proche d'une nouvelle et rayonnante epoque d'une renaissance, le premier et puissant mouvement de laquelle sera donne par la deliberation de la Russie du joug de l'орpression des bolchevicks.
Julien Poplavsky